« L’attitude enver les prisonniers politiques est pire que celle envers les assassins »

Libérée de prison, la professeure de musique et ancienne prisonnière politique Aksana Kaspiarovitch s’est exprimée au sujet des conditions de détention dans le centre de détention provisoire rue Akrestsina à Minsk et dans la prison de Zhodzina :

Dans une cellule à huit lits, il y avait 14 détenues. On avait du mal à respirer, on ressentait un manque d’oxygène. On dormait à deux sur un lit simple. La lumière était allumée 24 heures sur 24. La nuit, il y avait deux levées, à minuit et 3h, pour lire à haute voix des rapports que nous devions terminer en spécifiant que nous avions une inclination à l’extrémisme et aux actes destructeurs.

Tous nos effets personnels ont été confisqués. Pendant les 47 premiers jours, avant le transfert dans des cellules partagées à plusieurs, on a dû porter les mêmes vêtements qu’on avait sur le dos le jour de l’arrestation. Un « confinement » a été imposé, qui consistait en une interdiction de toute correspondance, y compris colis et paquets. Il était interdit d’emprunter des livres à la bibliothèque de la prison. Pour ne pas rester assises directement sur du fer toute la journée, nous mettions dessous nos propres affaires : il n’était autorisé de dérouler les matelas sur les lits que pendant les heures de sommeil, de 22h à 6h du matin. Pour prendre une douche, on disposait de 10 minutes et il n’y avait que 3 pommes de douche pour 14 personnes. Les rations de prison étaient telles que nous avons toutes perdu du poids.

Chaque jour, pendant les fouilles, toutes les affaires étaient jetées par terre, même les serviettes hygiéniques et le papier toilette qu’on faisait débobiner. Je savais que l’on m’envoyait des lettres, mais, après le 1er février 2022, je n’en ai plus reçu. L’attitude envers les prisonniers politiques est pire que celle envers les assassins.

Avant son arrestation, Aksana travaillait à l’école de musique de la ville de Lida. Elle a été arrêtée sur son lieu de travail en septembre 2021 dans le cadre de l’affaire Zeltser. Aksana n’a fait que des commentaires sur Instagram concernant le meurtre de l’informaticien Andreï Zeltser. On a appris que, après l’irruption des officiers du KGB armés dans son appartement, Zeltser avait ouvert le feu avec sa propre arme en blessant à mort l’un d’eux. Les agents ont riposté et ont tué Andreï. Il avait 31 ans. Voici les commentaires d’Aksana sur Internet : « J’ai regardé la vidéo de l’irruption dans l’appartement et j’ai réalisé : encore un outrage ! J’étais prise de pitié pour le gars qui se défendait, et qui défendait sa famille ». « L’agent savait ce qu’il faisait. Il est très bien payé pour cela, c’est son job. Et si j’avais été à la place de ce gars avec le fusil, j’aurais aussi eu peur pour moi et ma famille((. » Quelques 200 personnes ont été arrêtées pour des commentaires similaires.

En juin 2022, le KGB a inscrit Aksana Kaspiarovitch sur la liste de « personnes impliquées dans des activités terroristes » et le ministère de l’Intérieur l’a inscrite sur sa liste d’« extrémistes ». Le procès n’a eu lieu que fin juin 2022 et, le 9 juillet, la prisonnière politique a été libérée après avoir purgé l’intégralité de sa peine — 14 mois d’emprisonnement. Son téléphone et ses comptes bancaires ont été bloqués et aucun nouveau compte bancaire ne peut être ouvert. Les anciens prisonniers politiques n’ont pas la possibilité de reprendre leur travail dans le secteur public ni d’y postuler.

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