Pourquoi le Bélarus est si important

La guerre en Ukraine a éclipsé la crise politique au Bélarus.Déjà anéanti, le peuple bélarussien doit essuyer la désapprobation et les reproches mordants de l’opinion ukrainienne.Malgré l’implication du régime de Loukachenko dans la guerre, les Bélarussiens refusent de tourner les armes contre un peuple frère et poursuivent la lutte contre la dictature par tous les moyens possibles, désireux d’être entendus du monde entier et de s’assurer le soutien de la communauté internationale. Nous avons interrogé des experts et des militants sur leurs opinions quant à la place du Bélarus dans le contexte international.

Les Bélarussiens sont une nation européenne. Nous avons beaucoup fait pour démocratiser le pays, mais nous avons aussi la malchance d’avoir un voisin violent et despotique.L’histoire nous offre de nombreux exemples de pays en pareille situation qui se sont engagés sur la voie de la démocratie pour engendrer ensuite des bouleversements majeurs dans des régions entières.En février 2022, nous avons vu comment une crise apparemment insignifiante à l’échelle mondiale, telle que celle qui a frappé notre pays, pouvait marquer le paysage international.Il se pourrait que, à condition que la réaction de l’Occident aux violations des droits humains au Bélarus ait été plus pragmatique, celui-ci n’ait pas servi de tremplin pour l’invasion russe de l’Ukraine.Qu’est-ce que cela veut dire?Primo, le Bélarus doit constamment rester au centre de l’attention des autres pays.Secundo, cela signifie que des transformations démocratiques sont possibles pour nous.Malheureusement, rien ne les garantit dans un avenir proche.En tout cas, nous continuerons d’espérer le meilleur, de soutenir celles et ceux qui restent derrière les barreaux et de nous soutenir les uns les autres.

TATSIANA KHOMITCH, MILITANTE DES DROITS HUMAINS

En août 2020, le monde a connu un Bélarus qui s’est soulevé pour lutter pour sa liberté en défiant la tyrannie.Depuis, cette image s’est progressivement effacée.  Si l’on se souvient du Bélarus en août 2022, c’est avant tout pour dénoncer le régime de Loukachenko, ce co-agresseur qui aide la Russie à mener la guerre contre l’Ukraine. Dans cette situation, il faut constamment rappeler l’existence de cet autre Bélarus libre.

ALEXANDER FRIEDMAN, HISTORIEN ET POLITOLOGUE

Tout d’abord, la situation géographique du Bélarus est très intéressante pour l’Europe. Si le Bélarus entre dans une alliance frontalière avec l’Europe, tout le monde en bénéficiera. Ensuite, les Bélarussiens ont toujours été tolérants à l’égard des différentes croyances. Chez nous,des orthodoxes, des catholiques et des musulmans vivent côte à côte.Enfin, il y a beaucoup de jeunes Bélarussiens créatifs et talentueux qui, faute d’opportunité d’épanouissement, ont quitté le pays pour développer de nouveaux projets et participer à l’innovation.. S’ils avaient la possibilité de travailler dans le pays, ils créeraient une multitude de nouveaux projets utiles tant à notre société qu’au monde entier.

ALIAKSANDRA HERASIMENIA, NAGEUSE, TRIPLE MEDAILLEE DES JEUX OLYMPIQUES

Je vois la situation en deux dimensions : intérieure et extérieure.À l’intérieur, il s’agit d’un geste d’affranchissement d’un profond désespoir dans lequel nous avons vécu trop longtemps, au point d’oublier comment on fait autrement. Il s’agit d’un effondrement de la plupart des initiatives publiques de l’époque d’une stabilité apparente qui ont fait place aux idées et personnalités nouvelles. Il s’agit enfin d’un redémarrage du projet bélarussien. Ce n’est pas grave si l’on est pour la plupart des amateurs et si une bonne part de ce qui a été fait ne résiste pas à l’examen.Une nouvelle nation se construit par tout le monde, avec toute la bariolure d’intentions et de compétences.Si c’est bâclé ce sera la faute à nous tous, mais si l’on gagne ce sera aussi notre victoire à nous tous.Vue de l’extérieur, c’est une belle et tragique séquence de l’éveil d’un électorat engourdi qui a eu marre d’obéir au doigt et à l’œil au clown moustachu.  Une effervescence sans meneurs ni chefs.Un carnaval de rue improvisé, broyé par la machine répressive.Une marche des solitaires en quête d’un ciel nouveau.

MAKSIM ZHBANKOU, CULTUROLOGUE, SPECIALISTE DE CINEMA, JOURNALISTE

Pourquoi est-il important de soutenir les aspirations démocratiques des Bélarussiens et des Bélarussiennes ? Parce que dans le monde globalisé d’aujourd’hui, l’avenir de la démocratie dépend de la solidarité des citoyens tant au sein des pays démocratiques qu’au-delà des frontières. La situation en Ukraine en est un exemple marquant : la victoire de ce pays dépend fortement du soutien apporté par d’autres États et sociétés démocratiques. C’est aussi le cas du Bélarus dont les citoyennes et les citoyens ont déclaré en 2020 qu’ils ne voulaient plus vivre sous la tyrannie, qu’ils choisissaient un avenir démocratique pour leur pays et qu’ils étaient prêts à risquer leur bien-être, leur santé et même leur vie pour cet avenir. J’ai la conviction que le potentiel de solidarité internationale n’est pas épuisé, et je crois également en ma propre société, la société bélarussienne, qui continue de résister au régime dictatorial du Bélarus.

VOLHA SHPARAHA, PHILOSOPHE, REPRESENTANTE DU FEM GROUPE DU CONSEIL DE COORDINATION

Il est impossible de penser au Bélarus en termes d’importance ou de non-importance. Ce n’est pas une marchandise, ce n’est pas un service, c’est une constante, une inhérence. Il est simplement là et il imprègne tout mon être, même si j’en suis séparé territorialement en ce moment. Le Bélarus est dans mon cœur.

SIARHEÏ BOUDKINE, JOURNALISTE, EDITEUR, PRODUCTEUR

Trop longtemps, nous n’avons pas remarqué le Bélarus, nous ne l’avons pas regardé avec des yeux grands ouverts et curieux, nous l’avons observé à travers un prisme déformé.Depuis ces deux dernières années, notre perception est devenue plus claire. Les Bélarussiens se sont élevés pour protester.Ils continuent à le faire encore, mais autrement, moins impétueusement, et nous risquons de les oublier à nouveau.De nombreux amis, des chars devant leurs yeux et des avions au-dessus de leurs têtes, m’écrivent : « Nous ne voulons pas de cette guerre ».Si le Bélarus n’était pas une dictature qu’il est toujours, la guerre ne serait pas possible sous cette forme. Le Bélarus est important pour la paix globale, pour l’avenir de la Terre, pour le bien de l’humanité entière.

HEIKE SABEL, PRESIDENTE DE L’ASSOCIATION ENSEMBLE POUR L’AVENIR, JOURNALISTE ET ECRIVAINE

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